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La merveilleuse histoire de l'animation française

L’animation est un des genres qui permet de pousser la création au-delà de ses limites. Nous sommes au coeur de l’imagination lorsque l’on regarde un tableau de Claude Monet, on s’imagine son jardin de nymphéas vivant, avec l’eau rayonnante au soleil qui ruisselle parmis les bambous, les pivoines, les hortensias et les fleurs de nymphéas qui se meuvent au fil du vent qui les poussent et les enlacent. C’est ça l’animation, qui rime avec imagination, c’est le pouvoir de rendre vivant ce que l’on cache dans nos pensées rêveuses. C’est au travers de studios comme Disney, Pixar ou même le studio Ghibli que ces rêves sont devenus réalités pour beaucoup de personnes. En effet ces studios et mêmes ces grandes entreprises sont devenus des piliers dans le genre et produisent sans cesse des long-métrages de plus en plus ambitieux. Ces acteurs internationaux paraissent indétrônables et nous posent la question ce qu’il en est en France. L’animation française est bien plus riche que l’on ne pense, et est même à l’origine de beaucoup de choses. On peut donc se demander quel a été son rôle dans l’histoire et comment est-ce qu’elle perdure.


Une Histoire bien lointaine, les débuts de l’animation


Le premier film d’animation de l’histoire


Il faut remonter loin, très loin, c'est-à-dire 130 ans en arrière, alors que le cinéma n’existait même pas. La vie des personnes pouvait donc paraître fade mais les livres étaient là pour fleurir leur existence. Mais une personne, moins fan de lecture, a voulu faire avancer l’art aux travers d’avancées scientifiques. Il s’agit d’Emile Reynaud, un modeste photographe vivant à Paris, avant l’invention du premier cinématographe par Louis Lumière. Il invente en 1888 le théâtre optique après plus de quinze années de recherches sur les jeux d’optique, C’est une invention primordiale dans le monde de l’animation et même du cinéma pour plusieurs points. Déjà c’est une technologie qui mêle les techniques d’analyse du mouvement et de la projection, c’est la première et la seule à avoir réalisé un tel exploit à cette époque. Ensuite, le 28 octobre 1892, elle accueille les premières projections d’images animées sur grand écran devant un public.


L’animation est faite de sorte à ce qu’elle soit compatible avec la technologie. Pour le réaliser image par image, Emile Reynaud dessine un côté à l’encre de chine et colorie sur l’autre. Son épouse, Marguerite Remiatte, a aussi mis de son talent en plaçant de la peinture noire à l’extérieur du tracé des personnages pour que la lumière ne puisse traverser que les dessins.


Grâce à ce procédé, Reynaud dessine 3 animations qui sont respectivement Un Bon Bock en 1888, Clown et ses chiens en 1890 et Pauvre Pierrot en 1891. Ces Pantomimes Lumineuses comme il les appelle, seront donc diffusées pour la première fois le 28 Octobre 1892 au Musée Grévin avec aussi une bande-son composée spécialement par Gaston Paulin. Elle est aujourd’hui considérée comme la première bande-son pour un film. Le film Pauvre Pierrot a été reconstitué en 1992 à l’occasion des cent ans du théâtre optique par Julien Pappé. Voici la reconstitution:



C’est alors très vite un grand succès, un demi-million de spectateurs viennent voir le théâtre optique jusqu’en 1900 et d’autres pantomimes lumineuses sont créées comme Un Rêve au coin du feu en 1893, Autour d’une cabine en 1893, Guillaume Tell en 1896, Le Premier Cigare en 1897 et Les Clowns Prince en 1898 mais elle ne sera jamais présentée au publique.


Cependant, avec l’arrivée du cinématographe des frères Lumières en 1895 le théâtre optique tombe dans le déclin. Reynaud tombe dans une phase dépressive et désespérément, il revend tout son matériel et détruit les bandes en les jetant dans la scène. Quelques bandes ont survécu à cette folie, Autour d’une Cabine et Pauvre Pierrot.


Les innovations au service de l’animation française


De l’autre côté de l’Atlantique, le premier dessin animé filmé image par image avec une pellicule photographique voit le jour en 1906 au travers de Humorous Phases of Funny Face réalisé par James Stuart Blackton. Il va poser les bases de la technique d’animation encore utilisée aujourd’hui, nommée le “tour de manivelle".



Je parle de ce côté de l’Atlantique bien évidemment pour revenir sur la France. Grâce à un personnage nommé Emile Cohl. Né à Paris et artiste, il fréquente Victor Hugo, Paul Verlaine et même Georges Méliès. Il est peintre, photographe, réalisateur et même animateur en autodidacte. Il travaille assez vite à la Gaumont, où il réalise son premier film La Course au Potiron qui sera assez vite reconnu grâce à ses techniques novatrices en termes d’effets et de mise en scène. Peu de temps après, il réalise Fantasmagorie en 1908. C’est le premier film d'animation qui relate des aventures d’un personnage et filmé sur pellicule. C’est un des prémices de ce qu’on appellera plus tard le cartoon.


Par la suite, il réalisera plus de 300 films pour des sociétés de production comme Gaumont ou Pathé. C’est un personnage très important dans le monde du cinéma avec toute ses nouvelles inventions.

Durant son ascension, il rencontre un personnage assez important lui aussi: Robert Lortac car c’est celui qui va créer peu de temps après le premier studio organisé d’Europe: le Studio Lortac en 1916. Dans un contexte de guerre, le studio va dans un premier temps réaliser des court-métrages d’animation afin de sensibiliser la population sur le sacrifice des soldats. Le studio va par la suite réaliser des films de fictions ainsi que des films d’animation publicitaires pour des marques comme Citroën ou L’Oréal.


Après tout cela, le monde de l’animation se développe peu à peu dans le monde et notamment aux Etats-Unis ou les premiers studios se développent comme Créations Barré Studio en 1913 ( premier studio d’animation de l’histoire). Le studio Bray a aussi été créé en 1913. Et le grand Studio qui va tous les détrôner sera quant à lui créé en 1923, il s’agit de Disney. L’animation française paraît alors prendre de l’ombre face au succès de ces géants.

C’est sans compter par la suite d’un personnage qui va montrer le talent de l’animation française à l’international: Paul Grimault.


Le premier long métrage d’animation français: La Bergère et le Ramoneur


Paul Grimault et Jacques Prévert, ou le début de tout


Grimault naît en 1905 de bonne famille. Il fait une école de dessin et en 1929 il entre dans l’atelier de publicité de l’Agence Damour dans lequel il fait la rencontre de Jacques Prévert avec lequel il va se lier l’amitié. C’est en 1936 qu’il décide de créer sa société de film d’animation avec André Sarrut dénommée Les Gémeaux.

Dans un premier temps, ils réalisent des court-métrages et des films publicitaires, qui se rapprochent des cartoons américains. Grimault cite lui même “ Mais j’avais la sensation de me mettre sur une voie de garage et je ne pouvais pas me mettre à l’animation "à l’américaine", tout ce qui appartient à la civilisation là-bas - l’esprit de compétition, les trucs accélérer, les cadences frénétiques des gags. “.

A la fin de la guerre Sarrut, Grimault et Prévert sont assez confiants pour se lancer dans leur premier projet de long-métrage d’animation. Plusieurs scénarios sont envisagés, et même notamment celui de La Reine des Neiges d'Henderson, Disney peut les remercier de ne pas avoir pris parti pour ce conte là. C’est la Bergère et le Ramoneur qui sera retenu, qui est aussi un conte d’Henderson, publié en 1845. Le premier scénario, de Jacques Prévert, date de 1944. C’est Sarrut qui va s'occuper de chercher des producteurs et pour cela il va mettre en avant des films qu’ils ont produit comme Voleur de Paratonnerres sorti en 1944.


Le début d’une longue production


Pour cela il va contacter le Crédit National, pour qui il accompagnera une note d’intention visant à justifier l’intérêt de la réalisation d’un dessin animé (à cette époque). Il va le justifier en argumentant:

“Un film d’animation peut intéresser aussi bien les enfants que les adultes des races les plus diverses”.

La formulation peut paraître controversée mais elle souligne la capacité à toucher le public de manière universelle.

Il met aussi en avant la plus grande sécurité de la production par rapport à un film, car il n’y a pas à redouter des aléas d’un tournage avec une équipe technique et des acteurs.

Cela est bien illustré dans La Nuit Américaine de François Truffaut. Un tournage avec de vraies personnes peut s’avérer être une aventure pleine de rebondissement et qui peut donner un produit final très loin de ce que l’on voulait au départ.

D’autres arguments comme la vente de produits dérivés, le fait que le dessin animé ne se démode pas sont là pour aussi rassurer le producteur.


En 1948, Sarrut va jusqu'à envoyer des courriers à Disney, pour leur proposer des accords de financement. Il leur propose même d’envoyer le négatif aux Etats-Unis au fur et à mesure de sa réalisation, afin d’éviter toute interruption de la production en cas de guerre en Europe. Cependant Disney ne lui donnera pas de retour.


En 1946, le Crédit National va avancer 15 millions de Francs et d’autres producteurs viendront ajouter des dizaines de millions de francs à leur tour aussi. Le tournage va donc commencer et va très vite rencontrer des problèmes de durée et de devis. Il va très vite passer de 15 millions à 100 millions de Francs.

En 1948, les dépenses atteignent 89 millions de Francs et le film est avancé à ses ⅔ et la fin n’est prévue que pour 1950. Mais ce n’est que le début de l’enfer, Grimault souhaite réaliser un film de 2000 mètres, alors que Sarrut a précisé dit aux producteurs que cela ne s’arrêtera qu’à 1500 mètres. Beaucoup de différents vont apparaître entre les deux associés à cause de la limite qu'imposent les producteurs sur la direction artistique du film. Grimault, demande, en novembre 1950, que son salaire mensuel soit porté de 150 000 à 200 000 francs, et réclame 4 des recettes à venir du film. Cependant, il n’obtient pas satisfaction et cesse de collaborer sur le film le 4 décembre 1950. Il conteste alors le travail poursuivi par Sarrut, en mettant en avant son droit moral sur le film. Prévert s’associe à sa démarche.


Grimault va donc le poursuivre en justice. A côté, le budget du film explose et passe à plus de 500 millions de Francs. Voici un graphique de son évolution:


La fin de ce long périple


Le film est finalement sorti en salles le 29 mai 1953 et Grimault et Prévert désavouent ce film.

Il ne fait pas de mauvaises recettes mais a du mal à s’exporter à l’étranger.

A côté de cela, le procès confrontant Grimault à Sarrut va continuer jusqu’en 1956. Cependant, Grimault et Prévert vont le perdre. L’avocat adverse, dans une très belle plaidoirie, interprétera l’intransigeance de Grimault, non comme une clause morale, mais comme un caprice et une incapacité à mener à bien le projet : « au désaveu de paternité. Messieurs Grimault & Pré vert, dès lors, préfèrent l’infanticide... » L’avocat souligne dans sa plaidoirie que le rôle de Prévert se limitait aux dialogues, et celui de Grimault aux dessins préparatoires et à la direction artistique de l’animation. Le jugement établit effectivement le début des droits au jour de la première exploitation (29 mai 1954), condamne Grimault et Prévert à payer 100000 F de dépens, et consacre l’abandon de tous leurs droits contractuels, matériels ou moraux sur le film, qui est considéré comme une œuvre collective. Ils feront appel, ce qui fera durer la chose jusqu’en 1956, mais sans aboutir.

L’influence de ce film sur des maîtres de l’animation


Cependant, à côté de tout cela le film va s’exporter au Japon en 1955, sous le titre Le tyran qui louche (斜眼暴君).

Il va taper dans l'œil de deux jeunes artistes qui vous seront peut-être familiers. Hayao Miyazaki et Isao Takahata, alors tout jeunes, auront la chance de visionner ce long-métrage. Et ce visionnage sera le fer de lance de leur passion pour l’animation. Effectivement, cette œuvre a marqué ces deux grands réalisateurs au point de leur donner goût à cet art.


Takahata, issue d’une famille de sept enfants, étudie la littérature française à l’université polytechnique de Tokyo. Dans un contexte où le Japon se reconstruit, après le drame de la seconde guerre mondiale et la sortie du totalitarisme, le pays s’ouvre à peine à toute cette culture étrangère. Il se prend alors de passion pour les œuvres de Jacques Prévert et de Paul Grimault. La Bergère et le Ramoneur fut alors une œuvre déterminante pour le jeune étudiant.

“Au cours de mes études, j'ai vu La Bergère et le Ramoneur de Paul Grimault, et cela a changé ma vie : j'ai décidé que je ferais des dessins animés (…) Sans doute Grimault est-il parvenu, plus que tout autre, à marier littérature et animation. Il m'a éveillé à la culture française et à la sensibilité européenne, dont vous devez trouver des traces dans Le Tombeau des lucioles”

expliquait-il dans Positif. Il va revoir le film plusieurs fois de suite en salle, en reconstituant les musiques et certains plans. Il va se renseigner un maximum sur le long-métrage en allant jusqu'à emprunter le script du film grâce à son professeur de français.


En 1958, Takahata va postuler chez la Toei Animation puis en 1961, o; va organisé une projection de la Bergère et le Ramoneur avec ses collègues. A partir de plusieurs bobines, ils vont reconstituer le storyboard du film. Quant à Miyazaki, il rejoint le studio en 1963 et très vite il va se lier d’amitié avec Takahata, partageant la même vision de l’animation et notamment leur amour pour la Bergère et le Ramoneur. Ce film aura une influence considérable sur leur manière d'animer. Cela transparaît clairement dans le premier long-métrage de Miyazaki, Le Château de Cagliostro, sorti en 1979. En effet, la pâte de Grimault transparaît fortement dans ce film. Que ce soit au travers des décors avec un château bien inspiré ou avec certaines scènes l’influence est bien présente.


Le renouveau, le Roi et l’Oiseau


Avec le conflit entre Sarrut et Grimault, toute l’équipe s’est scindée en deux, chacun fidèle à son camp. En 1951, Paul crée sa propre société de production, Les Films Paul Grimault. A ce moment-là il avait même déjà proposé de reprendre le film lui-même. Cependant avec toute l’épopée judiciaire tout cela fut bien trop compliqué.

Mais Grimault n’en reste pas là et alors que les Gémeaux ont fait faillite, il rachète le négatif du film en 1967. Cependant il rejette toujours l’ancien film, étant pour lui une version complètement inachevée comme il l’explique dans une interview avec Jean Pierre Pagliano :

« Le Roi et l’Oiseau que j’ai sorti longtemps après, est à la fois le même film et un autre film. C’est la même histoire à l’origine mais en même temps qui a bénéficié de tout le drame qu’il a eu autour, et du fait que j’ai eu du recul. Quand j’ai repris mes billes, d’abord je me suis dit : je vais refaire ce film comme je voulais le faire à l’époque. Mais c’était une connerie : de l’eau était passée sous les ponts et je ne voulais pas faire un film rétro.(…) C’est un peu comme un gars qui peint une toile, tant qu’il l’a pas signée, il pense qu’il peut toujours l’améliorer. »

Cependant, Grimault n’est pas au bout de ses ennuis. Il s’aperçoit assez vite qu’une grande partie des scènes gardées correspondent à la vision refusée qu’il avait donnée du film et que son travail va être de l’ordre de la recréation totale :

« Personne ne savait ce qu'étaient devenus les dessins d'animation, les cellulos, les trois cents et quelques décors, les plans supprimés au montage, les chutes d'images et de son qui m'auraient permis de rétablir la version originale du film. Si je voulais montrer La Bergère et le Ramoneur, c'était la version Sarrut ou rien. [...] L'idée nous est venue de faire un nouveau film qui se rapprocherait davantage de l'esprit du scénario d'origine mais qui serait un film différent, comme peuvent être différentes deux toiles d'un même paysage peintes par le même peintre, l'une par temps gris et l'autre par beau temps. »

A côté de cela un autre problème majeur s’impose: trouver le budget pour le film s’avère être une tâche ardue. Les Américains et les Russes lui font des offres qu’il refuse, car cela impliquerait de délocaliser la production, or le réalisateur veut garder son équipe de base sur place. Finalement, il obtient une aide du CNC qui est complété par Robert Dorfmann et Antenne 2.

« On dit que j'ai mis trente-cinq ans pour faire Le Roi et l'Oiseau... En réalité, j'ai mis cinq ans (en deux fois) pour le réaliser et trente pour trouver le fric ! ».

Ensuite, retrouver une équipe digne de ce nom, fut aussi difficile. A l’époque de la Bergère et le Ramoneur, c’était la plus grande équipe d’Europe qui s’était réunie avec tout un tas de talent. Son fils, Henri Grimault confie:

«Quand il travaillait sur son film, mon père avait toutes les images, les cadrages, les mouvements et le montage de son film en tête. Il regrettait de ne plus avoir la même équipe de dessinateurs. Il les avait sélectionnés en fonction de leur sensibilité.»

Pour couronner le tout, Grimault retrouve Prévert en 1976 pour pencher avec lui sur le scénario de la seconde version, mais le poète, malade, meurt en avril 1977, année où la réalisation a redémarré, alors que Grimault est encore à la recherche de fonds. Jusqu'à la fin, les deux coauteurs ont l'habitude de se voir chez Prévert, à Omonville-la-Petite, en Normandie, et leurs promenades en bord de mer sont autant d'occasions de discuter du film, et notamment de la dernière scène que Prévert élaborera : le plan final, dans lequel l'automate libère le petit oiseau.

« Même à la fin, se sachant très malade, ce travail était en quelque sorte pour lui une survie. Il savait qu'il ne verrait pas le film, mais c'était une revanche qu'il prenait », se souvient Grimault.

Outre tous ces problèmes, la machine est bien relancée. C’est une nouvelle équipe d’une trentaine de personnes qui s’occupe du projet. Ils vont reprendre des scènes existantes et en tirer 40 minutes et dessiner à neuf 45 minutes du film. Les anciennes scènes sont retravaillées. Le scénario quant à lui a aussi évolué et un nouveau personnage important est mis en place: l’Oiseau. Ce qui devient un conflit entre l’antagoniste et le protagoniste: Le Roi et l’Oiseau. Ce changement permet aussi d'éviter tout risque de confusion avec la première version. Grimault s'occupe de monter l'image et la musique et laisse les modifications plus précises à ses associés.


Le film, dédié à Jacques Prévert, sort finalement en salle le 19 mars 1980. Le tout accompagné de la somptueuse bande son de Wojciech Kilar.



Ce film va marquer toute une génération et propulser l’animation française sur le devant de la scène. Bien que ce ne soit pas le succès commercial d’un Disney, la critique salue la poésie et la beauté de l'œuvre se démarquant des films à succès et donnant sa patte à l'animation française. Grimault, s’il ne l’était pas, s’impose comme le pionnier de l’animation française.


Il assume alors durant trente ans le rôle de passeur, initiant au métier de jeunes gens venus lui demander conseil : Jacques Demy, Jacques Colombat, Jean-François Laguionie... Il les aide à trouver leur langage, leur style. Mais plus encore, il « incarne la paternité incontestée du cinéma d’animation français ».

« Bien sûr en France, tous les jeunes dessinateurs cinéastes […] avaient leur passage obligatoire chez Paul Grimault. [ …] C’était la première étape reconnue de tous garnement affamé de cinéma d’animation, la première épreuve dans la quête initiatique du héros. Nous étions presque tous les enfants de Paul et de Prévert. » Renée Laloux

Les successeurs de Grimault


A côté de cela, André Martin et Michel Boschet ont créé les « Journées du cinéma » qui sillonnent la France dans les années 1950. Les Journées internationales du cinéma d'animation (JICA) ont lieu pour la première fois en 1956 à l’occasion du IXe festival de Cannes, où émerge l’expression « cinéma d’animation » qui vient supplanter le trop parcellaire « dessin animé ».


Le premier festival international et spécialisé a lieu à Annecy en 1960. Il donne naissance à l’ASIFA, association internationale du film d’animation, dont le premier président est le Canadien Norman Mc Laren, symbole d’une animation non-disneyenne.


A partir de la création de ce festival, un nombre conséquent d'œuvres indépendantes commence à apparaître et donne un nouveau souffle à l’animation. On pourrait aussi la qualifier de Nouvelle Vague tant de nouveaux artistes indépendants émergent et ce même à l’international en allant d'Henri Gruel à Bernard Palacios, en passant par Walerian Borowczyk ou Jan Lenica.


Un autre personnage important intervient alors, il s’agit de René Laloux. Il aura son influence en sortant avant le Roi et l’Oiseau son premier long-métrage: La Planète Sauvage sorti en 1973. On ressentira dans celui-ci l’influence de Paul Grimault de pâte visuelle unique et pleine de sensibilité, accompagnée de cette bande-son de l’étrange mais envoûtante.


C’est non sans rappeler L’Attaque des Titans, qui a pu y puiser quelques petites inspirations.

C’est donc toute une génération qui s’est ruée dans le monde de l’animation, mais pour que la prochaine suive et puisse concurrencer les grands studios internationaux, il faut employer de grands moyens.


La formation des nouveaux animateurs


Afin d’avoir autant de talents en France, c’est qu’il y a un fort apprentissage derrière. L’École des Gobelin fût fondée en 1974 par Pierre Ayma. Elle tient un rôle très important tant au prestige qu’elle a acquise et au nombre de talents qu’elle y a formé qui ont rejoint des studios comme Disney, Pixar, Dreamworks et bien d’autres.


A côté de cela, des villes comme Angoulême deviennent des nids pour les artistes. Dans un premier lieu connue pour la bande dessinée, elle devient peu à peu une ville qui accueille l’animation à bras ouvert. De grandes écoles comme l’EMCA s’y installent et proposent des parcours de qualité visant à professionnaliser ses artistes.


Cependant, le parcours classique de l’école n’est pas la seule voie. Avec l'essor des réseaux sociaux, mettre son travail en avant devient plus accessible et si l’on montre de quoi l’on est capable on peut vite se faire repérer. C’est par exemple le cas de Dorian Coulon, animateur pour la Toei en freelance, qui lui s’est fait connaître sur Twitter. Il explique dans une interview de la chaîne youtube "Mont Corvo" qu’en publiant ses travaux sur les réseaux, il a commencé petit à petit à se faire connaître et ce, même à l’international.

“J’ai commencé à animer tout seul dans ma chambre avec ma souris et photoshop”

Au fur et à mesure de planches réalisées pour des studios, il a été contacté par la Toei Animation pour animer des épisodes de One Piece.


On voit donc que la France forme de nombreux talents, mais comme dit précédemment beaucoup se rue vers des studios à l’international. Il est donc légitime de se demander ce qu’il nous reste.


La place actuelle de l’animation française


Les studios japonais et américains dominent fortement le marché. Cependant nous ne sommes pas en reste. Nombre de studios existent en France, Que ce soit Ankama Animation avec leur série Wakfu qui nous plonge dans l’univers de leurs jeux. S'essayant même aux longs-métrages avec une coproduction avec le studio 4 C qui deviendra Mutafukaz, qui est directement adapté de la bande-dessinée de Guillaume Renard.


Pour continuer dans cette lignée, le studio Fortiche qui a son animation assez caractéristique que l’on dit “adulte” en mêlant 2D et 3D. Le studio s’est fait connaître pour ses collaborations avec Riot Games en produisant des clips de promotion pour le jeu League of Legends. Cela se poursuit avec la grande production de la série Arcane qui est à ce jour la série d’animation la plus cher jamais réalisée. Elle remporte neuf Annie Awards et devient ainsi un immense succès critique et commercial ce qui permet de propulser le studio à un niveau international

D’autres sociétés comme La Fabrique sont en place depuis un moment. En effet ce studio a été fondé par Jean-François Laguionie qui a été disciple de Paul Grimault. Toute la poésie de l’animation qui lui a été transmise se ressent autour de long-métrages comme Le Château des singes ou L'Île de Black Mór. Michel Ocelot y travaillera un moment pour réaliser Prince et Princesses. Cependant ce long-métrage sera coproduit avec un autre grand studio Français, Les Armateurs. C’est de ce studio qu’est issue le long-métrage Kirikou et la Sorcière de Michel Ocelot qui fut grand succès critique et commercial et ce de manière assez inattendue.


Un grand groupe tel qu’EllipseAnimation s’est quant à lui installé par exemple grâce à des séries animées destinées aux enfants tels que Babar, Les Aventures de Tintin, Garfield & Cie. Elles font office de productions internationales en coopération avec des studios Belges, Canadiens et Américains.


Les points forts de l’animation française et son avenir


La France est première productrice de long-métrages d’animation en Europe. D’après Olivier Catherin, directeur du développement de l'Afca (Association française du cinéma d'animation) :

" La spécificité de l'animation française, c'est son extrême diversité ! "

En effet, la force du cinéma d'animation français est de pouvoir jongler avec différents genres: le drame en noir et blanc comme Renaissance de Christian Volckmann, la comédie grinçante Les triplettes de Belleville de Sylvain Chomet, le polar avec Une vie de chat de Jean L Felicioli et Alain Gagnol ou encore le conte animé avec Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot. Autant de styles que de films dont l’originalité n’a de cesse de se développer.


A l’image de la Nouvelle Vague, les films d’animation français ont tous leur pâte et cela nous permet d’échapper aux grosses productions qui peuvent parfois être vides de poésie. Nous devons aussi cela à l'afflux de court-métrage venant des écoles françaises comme les Gobelins et L’ESMA.





Les débuts de l'animation se sont fait en France. Elle est presque née avant le cinéma et s’est très vite exportée à l’internationale. Elle a permis de donner un support à l’imagination de nombreux artistes comme Emile Reynaud et Paul Grimault. Cependant l’animation s’avère très vite être un domaine coûteux. L’émergence de grands studios à l’étranger sert de pression à la France et de grosses productions comme la Bergère et le Ramoneur voient le jour. La réalisation de ce genre de long-métrages s’avère être vite un enfer, les accords budgétaires et artistiques sont à l’origine de nombreux conflits au sein du studio. Malgré la sortie désavouée du film, son influence à réussi à donner goût à des maîtres comme Miyazaki ou Takahata. Paul Grimault reprendra le projet pour en faire Le Roi et l’Oiseau en 1980 et fera rayonner l’animation française à l’international. De nombreux réalisateurs et animateurs apparaissent alors en France et des festivals comme le prestigieux Festival d’Annecy. La formation joue un rôle très important avec des écoles comme les Gobelins, l’ESMA, Rubika et bien d’autres. Tout cela rend la France comme un acteur incontournable et de grands studios émergent comme Fortiche, La Fabrique, Ankama et bien d’autres.


L’animation française a plein de perspectives d’avenir grâce à tous ses talents. L’enjeu dorénavant est de leur donner de bonnes raisons de rester en France et de faire briller notre belle animation.




Commentaires sur l’article.

C’est le premier article aussi long que j’écris. Il m’a demandé beaucoup de travail de recherche que j’ai dû synthétiser. Il y a des détails que j’ai choisis d’omettre afin de garder un fil logique. J’ai essayé de détailler certains points, cependant des parties comme l’histoire du Roi et de l’Oiseau mériteraient des articles plus longs que celui-ci à lui tout seul tant il y à dire.

Merci pour votre lecture.



références:


2 commentaires

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2 Comments


Ryan Jhider
Ryan Jhider
Dec 19, 2022

T'es chaud batard


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aidenskylkr
Dec 19, 2022


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